20 oct. 2010

Can't Help Lovin' Dat Show Boat... malgré les grèves !

Show Boat - Théâtre du Châtelet
Depuis le début de la semaine, le matin, je prends mon courage à six pieds, au moins, pour me rendre au boulot. On va dire les choses le plus simplement du monde, en ce moment, y en a qui font exprès de me la compliquer, la journée. Oh, pas le genre de complication insurmontable, non, mais juste suffisante pour que je rentre un peu plus crevé chaque soir. Vous, je sais pas, mais moi ces services d'utilité publique "chéris" qui fonctionnent volontairement au ralenti (vous remarquerez que la phrase est possible aussi sans le mot "volontairement", hé hé !!), et ben ça finit par me gâcher la journée. Cette fin de semaine encore ça risque de pigner, de grogner et de pousser des gueulantes. Des « colères justes » ou des coups de gueule sans fondement, diraient certains. Seule certitude, la cocotte minute va bouillir encore un peu.

Dans Mediapart dernièrement, Raffaele Simone titrait : "Etre de gauche est plus fatiguant qu'être de droite... Bah, oui ! c’est pas simple d’organiser les manifs, de monter les piquets de grèves, de mobiliser les troupes et la contestation, de poser des amendements, de veiller toute la nuit durant et d'être finalement beaucoup dans l'action pour causer un peu d'inaction. Bref, être dans l’opposition ç'est fatigant. Alors, en attendant que la gauche qui manifeste se repose un peu, y avait, un bon moyen de passer une bonne soirée cette semaine… sur la scène du Théâtre du Châtelet pour la comédie musicale « Show Boat ».

Au programme, un anniversaire à fêter (avec une Mumm coupette pour ne laisser personne assoiffée) et, pour ne rien gâcher, en prendre plein les yeux et les oreilles, et découvrir, lors de l’avant dernière représentation, la matrice des comédies musicales américaines, jouées à Broadway pour la première fois en 1927. Pour faire simple, Show Boat c’est, du blues, du ragtime en passant par le charleston, du gospel, des airs d’opérette, des valses de Vienne, un goutte de swing, du french cancan mais aussi et surtout un bout de la vie (un demi siècle) d'une famille d'artistes sur un bateau-théâtre parcourant le Mississipi de long en large. Show Boat c’est aussi, en toile de fond, le racisme, la ségrégation, le melting pot, le passage au 20ème siècle en attendant la grande dépression de 1929. C'est aussi une histoire de joies et de drames, de ceux qui possèdent quelque chose, de ceux qui n’ont rien, de l’arrogance des privilégiés, de l'indifférence à l’égard de la pauvreté, de l’espoir que les choses changent tandis que pour ceux qui en ont le plus besoin, rien ne change.

Tiens d'ailleurs, en parlant de changement... côté confort, je ne sais pas pourquoi, mais les théâtres parisiens c’est toujours un peu la misère. Au bout de deux heures trente de spectacle, il n’est pas rare de voir poindre la petite crampe lancinante qui résulte des multiples contorsions réalisées pour tenter de ranger ses jambes et de trouver un angle de vue potable entre les épaules de la voisine (qui garde son manteau parce qu’elle a froid... et qu'elle arrête pas de bouger) et celles du voisin (plus proche du rugbyman que du danseur classique... et qui lui n'a pas besoin de bouger pour géner tout le monde). Malgré ces petits ajustements logistiques, il est incontestable que cette comédie musicale restera pour moi un excellent souvenir (l'effet du champagne Mumm sans doute). Pour ma part, le point du bonus offensif (pour rester dans le rugby et parce qu’il en a la carrure) est attribué à Otto Maidi et son interprétation de "Ol’ Man River". Comment dire… ce n’est pas uniquement une voix qui chante juste, c’est une voix qui retentit dans tout le théâtre à en donner le frisson... grave (très grave... la voix). Au delà de cette chanson "Ol' Man River" qui se la joue caisse de résonnance de la lutte pour l'identité et les droits sociaux des afro-américains, d'autres mélodies tiennent le haut du pavé et continue à me trotter dans un petit coin de la tête comme "Make Believe", "You Are Love", "Bill" et surtout "Can't Help Lovin' Dat Man" interprétées par Angela Kerrison, Blake Fisher et un ENORME coup de pouce de l'Opéra de Cape Town (qui s'y connait un peu en ségrégation) et de l'orchestre de Albert Horne.

Au final, je vais dire, qu'avec cette représentation, j'ai rattrapé un peu de mon retard en matière de comédie musicale (je parle de celles à voir au moins une fois dans sa vie bien sûr). Pour ma part, c'est fait pour celle là... checked ! C'est aussi l'occasion de saluer ceux qui jouent un peu avec les nerfs des autorités "bien pensantes" pour évoquer la situation politique, la détresse sociale, le destin tragique, mais « empli d’espoir » des minorités de leur pays, en faisant avec les moyens du bord. Pour l'époque, et parmi tant d'autres... Edna Ferber pour son roman "Show Boat", Oscar Hammerstein II et Jerome Kern pour l'adaptation musicale de Show Boat, mais on pourrait parler aussi d'Oscar Micheaux réalisateur et producteur de films afro-américains pour les afro-américains (en 1919, si si vous avez bien lu, 1919 !!)... j'en passe et des meilleurs... aussi parce que la liste est longue mais que je suis un peu fainéant pour continuer à chercher ce soir.

PS : Juste pour le plaisir, voici, ci-dessous la mélodie "Can't Help Lovin' Dat Man" lors de la représentation au Théâtre du Châtelet. A noter que l'avantage avec YouTube, c'est qu'il n'y a pas de problème de voisins avec des épaules de déménageur pour vous boucher la vue, et quelle vue !



PS2 : Et sur YouTube, encore, un extrait de la version cinématographique de 1936.

PS3 : Je vous recommande aussi ces deux décryptages documentaires : "Les nouvelles sécessions américaines (7) : Et les bobines black  devinrent populaires..." de Sylvie Laurent et le documentaire pour Arte, Du shtetl à Broadway (2006), de Fabienne Rousso-Lenoir, ou comment le répertoire de Broadway a été inventé par les fils d'immigrants juifs d'Europe centrale qui fuyaient les premiers pogroms, et comment ils se sont identifiés à la cause noire, s'associant à eux, les intégrant à leurs propos et à leurs réalisations (désolé, je n'ai rien trouvé sous YouTube).

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